Friday, November 10, 2006

Pour de propositions efficaces et solidaires, contruire l'avenir avec Laurent FABIUS

La crise des banlieues souligne le besoin de République
9 novembre 2006
Le critère du succès de mon mandat sera celui-ci : je veux qu’à son terme, les jeunes se disent : « si nous le voulons, notre vie sera meilleure que celle de nos parents ».
Interview de Laurent Fabius :

Comment vivez-vous cette campagne, coincé entre DSK, le social-démocrate, et Ségolène Royal, la madone des sondages ?
Je suis à l’aise parce que je suis, moi, tout simplement socialiste. De plus en plus de militants soutiennent ma candidature parce que je suis le seul à revendiquer clairement le socialisme et le rassemblement de la gauche. Les lignes sont en train de bouger !
Estimez-vous être le meilleur rassembleur de la gauche ?
Je le pense. On ne rassemblera pas la gauche sur l’idée, défendue par mes deux camarades, que l’on va « dynamiter » les universités en les privatisant ou en prônant l’« encadrement militaire » des jeunes. Ce qui unit la gauche, ce sont des positions de gauche, efficaces et solidaires : l’amélioration du pouvoir d’achat et du logement, la lutte contre les délocalisations, la laïcité, les services publics, la République parlementaire nouvelle, l’Europe sociale, l’écologie active. C’est le chemin que je propose pour 2007.

Faites-vous souvent référence à François Mitterrand quand vous agissez ?
Oui, je me reconnais dans plusieurs de ses traits depuis longtemps : la volonté, la lutte contre les injustices, la conviction européenne. Mais aussi l’amour des Français et une idée élevée de la France
La crise des banlieues ne signe-t-elle pas l’arrêt de mort de notre modèle républicain et le début d’un communautarisme à l’américaine ?
Elle souligne au contraire le besoin de République. En France, nous séparons la foi et la loi. Prenons garde de ne pas gâcher cette chance exceptionnelle qui s’appelle la laïcité. Cela suppose aussi de vraies réponses pour les banlieues. Lutter contre les ghettos, encourager l’emploi et ne plus entasser les gens dans des logements indignes. Pour cela, j’ai proposé, par exemple, quesi un maire ne respecte pas l’obligation des 20 % de logements sociaux, le préfet se substituera à lui pour les construire. En matière d’éducation, je suis favorable au renforcement de l’encadrement scolaire dans les quartiers difficiles. Il faut aussi lutter contre les discriminations. Et, bien sûr, assurer la sécurité sans aucun angélisme.

Comment qualifiez-vous les incendiaires du bus de Marseille, et que préconisez-vous pour ces délinquants ?
Ce sont des voyous qui n’ont rien à voir avec l’écrasante majorité des jeunes des quartiers. Pour ces jeunes délinquants, il faut des sanctions très fermes, d’ailleurs prévues par la loi, qui peuvent aller jusqu’à la prison. Cela dit, celle-ci doit rester le dernier recours. C’est souvent une école de la récidive. Il faut plutôt envisager une mise à l’écart, dans des établissements fermés hors du quartier d’origine, avec un suivi pour la réinsertion. Nous devons éviter de créer un affrontement permanent entre la société et les jeunes, entre la police et les jeunes.

Si vous êtes élu, comment sera la France à la fin de votre mandat, en 2012 ?
Ce sera une France qui aura relancé l’emploi, investi dans l’avenir - recherche, innovation, éducation, formation. Nous aurons réorienté la construction européenne face à la mondialisation financière. Nous aurons retrouvé dynamisme et espoir. Actuellement, beaucoup de jeunes se disent que leur situation sera moins favorable que celle de leurs parents. Le critère du succès de mon mandat sera celui-ci : je veux qu’à son terme, les jeunes se disent : « si nous le voulons, notre vie sera meilleure que celle de nos parents ».

Que répondez-vous à ceux qui vous accusent de démagogie ?
Je réponds que je ne considère pas qu’augmenter de 8 % le salaire de personnes qui gagnent 1 000 euros nets par mois ou revaloriser les pensions soit de la démagogie ! En tout cas, quand on est de gauche.

La France a-t-elle les moyens de ses réformes ?
Il faudra notamment revenir sur les cadeaux fiscaux de plusieurs milliards consentis aux plus aisés par la droite, ainsi que sur les allègements de charges accordés aux très grandes entreprises et qui n’ont aucune efficacité pour l’emploi.

Pensez-vous que DSK et Ségolène Royal soient armés pour faire face à ces difficultés ?
Ce sont des personnalités de talent, mais pour redresser notre pays, il faudra une approche plus volontaire et plus novatrice que la social-démocratie édulcorée ou que le blairisme régionalisé. Quant à l’international, lorsqu’on va discuter avec un démocrate aussi exquis que le Président iranien M. Ahmadinejad, mieux vaut avoir beaucoup d’expérience. Même chose pour l’Europe dans un tout autre contexte, quand il faudra renégocier la Constitution avec nos partenaires.

Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents socialistes ?
Je refuse la fatalité. Et la confusion entre communication et politique.

Déplorez-vous cette tendance ?
Un responsable politique doit apporter des réponses précises et avoir le courage de ses convictions. Quand un citoyen, une association, un syndicat, vous demande : « Qu’est-ce que vous pensez de ce problème », si votre réponse est : « J’allais vous poser la même question », c’est un peu court ! Et, je le crains, dévastateur à terme.

Qu’allez-vous faire pour être au second tour ?
Je vais continuer les déplacements sur le terrain, les interviews dans les médias et les débats. Ma démarche ne variera pas : toujours revenir aux questions de fond et appeler les militants socialistes, anciens ou récents, à voter librement.

Et si vous ne l’êtes pas, pour qui appellerez-vous à voter ?
Je ne me place pas dans cette hypothèse. J’agis pour gagner.
Comment expliquez-vous que vous ne décollez pas dans les sondages ?
C’est un faux problème. Celui qui sera désigné par le PS partira mécaniquement avec environ 50 % de popularité puisqu’il sera perçu comme le champion de la gauche. C’est ce qui s’est produit en 1981 avec François Mitterrand et en 1995 avec Lionel Jospin. Avant leur désignation par les militants, ils avaient des scores modestes. Leur désignation les a placés automatiquement au premier rang. La question n’est donc pas de savoir qui est en tête dans les sondages, mais qui est capable, à partir d’un même point de départ, de monter et de ne pas descendre. Là, ce n’est plus affaire de sondage ou de marketing, mais de ligne politique.

Etes-vous inquiet du déroulement du vote interne au Parti socialiste ?
Quand je vois tel responsable de département ou de région annoncer chez lui, avant le vote, des scores à la nord-coréenne pour une candidature, je m’interroge. Je crains que, dans les derniers jours, on veuille forcer la main des militants : j’espère qu’ils sauront rester libres.

Peut-on imaginer que vous soyez candidat en dehors du PS si vous n’êtes pas investi ?
Non.

Que ferez-vous si vous êtes désigné ?
En lien avec la direction du PS, j’engagerai des discussions avec nos partenaires politiques pour bâtir un contrat de majorité. En décembre et janvier, je ferai le tour des capitales d’Europe et des principaux pays du globe pour dire ce que sera la France du vrai changement. A partir de février, je mènerai campagne sur la double mission qui sera la nôtre : répondre à l’urgence sociale et construire l’avenir. Je me préparerai à ma tâche. Je veux être le Président du vrai changement.