Avec Laurent FABIUS refusons le fatalisme : un autre avenir est possible
"Un autre avenir est possible.Contre la société précaire, construisons une France forte et solidaire."
pour l’Europe, l’international et l’écologie.
Chère camarade, cher camarade,
Si la mondialisation continue au rythme actuel, dans dix ans, le monde sera encore plus libéral, donc encore plus inégalitaire, et l’environnement encore plus dégradé. Les conflits se multiplieront : pour la puissance, pour l’énergie, pour l’eau, pour l’accès aux médicaments, pour fuir les cataclysmes liés au réchauffement climatique. Le monde libéral est un monde violent.
Ma conviction, c’est que cette perspective n’est pas une fatalité. Sur tous les continents, des femmes et des hommes aspirent à construire un monde plus humain et plus solidaire. Si la France se range clairement à leurs côtés, prolongeant la bataille pour l’Europe sociale et la lutte contre le CPE, alors nous aiderons à faire pencher la balance ! À l’inverse, une victoire de la droite et de Sarkozy ferait basculer l’équilibre en ancrant notre pays dans le système libéral dominant. Voilà pourquoi l’élection de 2007 est décisive et pas seulement pour les Français. Il reviendra au prochain Président de la République et à la nouvelle majorité de remettre la France à la tête du camp du progrès.
Cela suppose des choix volontaristes pour une Europe sociale, une mondialisation solidaire et une écologie active. Et non une gauche blairiste qui, à force d’intérioriser les contraintes du libéralisme, s’en fait le défenseur.
On me dit parfois que j’ai changé. Évidemment ! Certes, mes valeurs sont restées les mêmes - l’égalité, la laïcité, la liberté, l’internationalisme, en un mot, le socialisme -, mais j’ai adapté un certain nombre de mes positions aux bouleversements du monde. Ceux qui ne le font pas vivent sur une autre planète. Si on veut construire l’avenir - et pas simplement le « désirer » - l’heure n’est pas aux à peu près. Le capitalisme financier transnational ne fait pas dans la demi-mesure. Sans détermination farouche de notre part, il ne connaîtra pas de limites.
1) En Europe, nous tiendrons bon sur notre objectif : l’Europe sociale.
Nos partenaires, prenant acte du « non » français, ont décidé qu’il reviendrait à la France de présider l’UE au moment de conclure la renégociation du Traité constitutionnel. Ce Traité devra être court, se recentrer sur les institutions et les valeurs et faciliter notamment les coopérations renforcées pour permettre l’Europe des « trois cercles ». Je m’engage à soumettre aux Français par référendum ce nouveau texte.
Pour réorienter et relancer l’Europe, outre la construction d’une armée européenne par la mise en commun de nos équipements et de nos industries - et d’abord à l’échelon franco-allemand -, nous devrons attaquer plusieurs grands défis, bien définis dans notre projet socialiste.
• La politique monétaire qui suppose une révision des orientations de la BCE.
• Les délocalisations intra et extra-européennes : il y a urgence à adopter un traité d’harmonisation sociale et fiscale.
• La préparation de l’avenir : elle passe par un budget renforcé pour investir dans la recherche, la politique énergétique commune, les réseaux de transport, etc.
• La défense des services publics qu’il faut protéger, en particulier par une directive. Pour donner plus de force à nos demandes, je subordonnerai tout nouvel élargissement à ces avancées.
2) Pour une mondialisation solidaire, nous fixerons comme objectif le juste échange au lieu du libre échange.
Je proposerai à nos partenaires européens une utilisation stratégique du tarif extérieur commun. La France ne ratifiera aucun accord commercial qui ne comprendra pas de garanties sociales et environnementales.
Nous ferons du « partenariat pour le développement » une priorité, et d’abord en direction de nos frères et soeurs d’Afrique. Nous devrons prévoir des financements innovants. Pourquoi pas, au-delà de l’augmentation de l’aide et de l’annulation des dettes, une taxe sur les ventes d’armes, comme je l’ai déjà évoqué ?
Les organisations internationales (ONU, FMI, OMC, Banque mondiale) devront prendre en compte pleinement cette mondialisation.
3) Nous mettrons l’écologie et le développement durable au coeur de nos politiques publiques, du local au global.
Nous proposerons la création d’une Organisation mondiale de l’environnement. Je proposerai à l’UE l’adoption d’une véritable fiscalité écologique fondée sur le principe pollueur-payeur. En France, nous créerons un service public de l’environnement doté de pouvoirs étendus, placé sous l’autorité d’un ministre du Développement durable qui sera le numéro 2 du gouvernement. Les économies d’énergie, l’habitat écologique, la diversification énergétique, le ferroutage et les transports collectifs, en lien avec les collectivités locales, seront des priorités budgétaires. La mise en concurrence du marché de l’énergie sera suspendue. EDF et GDF repasseront sous contrôle public.
Stop ou encore au libéralisme, voilà le sens de l’élection de 2007 et du vote militant les 16 et 23 novembre prochains. Des millions de femmes et d’hommes, en France, en Europe et dans le monde, subissent la précarité. Ils veulent trouver une issue pacifique et efficace. Cette issue s’appelle le socialisme. C’est pour le faire triompher face à la mondialisation et à la marchandisation que je suis candidat.
Réponses aux questions des militants
Christophe CAVAILLES (Haute-Garonne)
Géopolitique, prolifération, nucléaire, terrorisme : quelles solutions préconises-tu pour rendre efficace la non-prolifération nucléaire ? Quelle position adopter à l’égard de l’Iran, du Pakistan et de la Corée du Nord ? Quelle sortie de crise pour les conflits en Afghanistan, en Côte-d’Ivoire, dans la région des Grands Lacs, en Somalie et au Moyen-Orient ?
L’affaiblissement du traité de non prolifération est inquiétante. Réaffirmer sa validité, cela veut dire donner toute garantie que l’on ne contourne pas ce traité, ce que fait l’Iran aujourd’hui. Cela veut également dire que l’on applique toutes ses dispositions, y compris la maîtrise du cycle nucléaire civil, dont l’Iran a le droit de se doter. Ceci dit, il faut renforcer les contrôles de l’AIEA sur l’Iran. Réaffirmer le traité de non-prolifération, cela veut dire aussi que les puissances nucléaires s’engagent à appliquer l’article 6 du traité pour aller vers un désarmement.
Face à l’Iran et à la Corée du Nord, il faut pratiquer une politique à la fois de la fermeté et d’incitation. Je crois juste de privilégier les sanctions qui frappent directement les dirigeants : entrave aux déplacements internationaux et gel des comptes à l’étranger en particulier. C’est ce que j’ai réclamé notamment pour le président Ahmadinejad, qui tient des propos totalement inacceptables à l’égard d’Israël.
Dans le même temps on ne pourra convaincre les États d’écarter la prolifération s’il n’y a pas aussi une incitation. En matière de développement économique et de sécurité, il faut reprendre les discussions à six avec la Corée du Nord (Corée du Sud, Chine, Japon, États-Unis, Russie, Corée du Nord). Comme cela avait été fait dans les années 90 à l’initiative de l’administration Clinton, je souhaite que l’on prenne en compte les besoins énergétiques de la Corée du Nord, ce qui peut la convaincre d’évoluer quant à ses ambitions de nucléaire militaire.
Enfin, l’Europe doit faire davantage entendre sa voix, notamment par rapport aux Etats-Unis, dont la politique contre les « Etats voyous » s’est avérée très inefficace.
Jacqueline HOIBIAN (Drôme)
Dans le conflit israélo-palestinien, quelle sera la position de votre gouvernement ? Respect des deux peuples ? Condamnation des colonies ? Quelle aide pour favoriser un processus de paix juste ?
Ma position est en droite ligne des deux principes posés par François Mitterrand, dans son discours à la Knesset : la sécurité pour l’État d’Israël, « l’irréductible droit de vivre pour Israël et son peuple », le droit des Palestiniens à un État viable qui ne soit pas d’emblée condamné par sa géographie. Il doit en résulter la reconnaissance mutuelle des deux États, l’évacuation des colonies illégalement implantées en Cisjordanie, le respect des frontières de 1967, sauf arrangement possible de sécurité. Jérusalem devrait être doté d’un statut assurant la coexistence des religions et des deux capitales.
Pour relancer le processus de paix, la bonne méthode est le dialogue entre les protagonistes, États et mouvements disposant d’un appui dans la population. Il ne s’agit pas de cautionner des positions inacceptables, mais de prendre en compte les résultats des consultations électorales et, à travers cet échange, de favoriser une meilleure compréhension. Car il n’y aura pas de solution au Proche- Orient autre que politique. La France, pays ami des Israéliens et des Palestiniens, a un rôle de premier plan à jouer. Ceci dit, en tant que président de la République, qui représente une autorité morale, je ne recevrai pas les dirigeants du Hamas tant qu’il n’y aura pas eu une évolution de sa part vers la reconnaissance d’Israël. Les contacts devront avoir lieu au niveau diplomatique. Il est également souhaitable que nous parvenions à une plus grande implication de l’Union européenne et du Quartet. Nous ne devons pas laisser les Israéliens et les Palestiniens sans médiateurs ni réel contrepoids face à la politique américaine.
Benoît MARTIN (Ille-et-Vilaine)
Le programme socialiste est très discret sur les questions militaires. Quelle est votre position vis-à-vis de l’OTAN ? Quelle stratégie voulez-vous mener vis-à-vis de l’Europe de la défense ?
Je privilégie l’Europe de la défense. Pour convaincre nos partenaires européens d’y participer pleinement, nous ne la construirons pas contre l’OTAN, mais de façon autonome vis-à-vis d’elle. C’est parce que je souhaite cette autonomie que j’avais notamment récusé l’inscription dans le Traité constitutionnel européen d’une soumission de la défense européenne à l’OTAN.
Comment relancer l’Europe de la défense ? Un livre blanc sur la défense européenne est d’abord nécessaire au-delà de la stratégie de sécurité adoptée en 2003. Il faut aussi que nous fixions comme principe l’intégration de nos armées qui doivent disposer le plus possible des mêmes matériels. Cela permettra de renforcer notre défense tout en dégageant des économies nécessaires. Nos amis allemands devraient être sollicités en priorité. Je l’ai répété : une grande ambition, c’est une armée franco-allemande un siècle après Verdun, à l’horizon 2016. Elle peut être le prélude à une armée européenne. Le président du SPD a proposé récemment de créer une armée européenne indépendante de l’OTAN. J’approuve cette idée. L’Europe a besoin de grands projets. La défense européenne et l’armée franco-allemande sont de grands projets. Quant à l’Alliance atlantique, nous en sommes membres, nous devons veiller à ce que l’OTAN ne se substitue pas de plus en plus à l’ONU pour des interventions tous azimuts sous direction américaine.
Pierre DEDET (Cher)
De quelle manière comptez-vous tenir compte du refus du Traité constitutionnel européen exprimé par les Français en 2005 ? Pensez-vous favoriser la construction d’une Europe plus sociale ? De quelle manière ?
Prendre en compte le vote majoritaire des Français, c’est d’abord le respecter.
Cela signifie deux choses, bien exposées dans le projet socialiste. D’abord, le prochain président de la République devra chercher à relancer et réorienter l’Europe sur la base de ce vote. Nous adresserons à nos partenaires plusieurs propositions : doter l’Europe élargie d’un Traité social, d’une directive cadre sur les services publics et d’un vrai budget de solidarité ; revoir la politique commerciale et de la concurrence de la Commission européenne, dans un sens favorable à nos industries, ce qui appellera un renforcement du tarif extérieur commun ; réorienter le pilotage de la zone euro en révisant les objectifs de la BCE, en assouplissant le pacte de stabilité et en lançant une démarche d’harmonisation fiscale, préfiguration d’un véritable impôt européen ; élaborer un nouveau Traité constitutionnel, centré sur les valeurs et les institutions.
Je soumettrai au vote des Français ce nouveau texte. M. Sarkozy propose, lui, un « mini-Traité à ratification parlementaire ». J’appelle cela unemaxi-imposture. Certains socialistes semblent hésiter et renvoyer à plus tard le chantier institutionnel. Pour moi, c’est clair : la Constitution sera au menu de la présidence française au second semestre 2008, et le peuple doit avoir le dernier mot.
Quant à l’élargissement, je ne pense pas qu’on puisse accepter un nouvel élargissement de l’Union européenne tant que celle-ci ne se sera pas dotée du Traité social et de la Constitution que propose notre projet. Je ne suis ni pour l’Europe à 50 ni pour l’Europe par la preuve, mais pour l’Europe par la Gauche, dans la fidélité à ce qu’ont demandé les Français.
Catherine JACQUEMOT (Hauts-de-Seine)
La coopération avec l’Afrique est essentielle pour notre pays, pas seulement au titre de la solidarité avec les populations africaines, mais aussi parce que ce qui s’y passe est crucial pour notre avenir : émigration, sécurité, risque sanitaire, risque écologique... En matière de coopération, dites-nous ce que vous voulez faire, annoncez que nous respecterons nos engagements internationaux.
Je voudrais dire, tout d’abord, que je regrette beaucoup que nous n’ayons pas évoqué l’Afrique lors de notre débat télévisé. Comme tu le sais, je me suis rendu au Sénégal et au Mali cet été [cf. www.laurentfabius. net] et j’ai déjà annoncé que si je suis élu, mon premier déplacement hors d’Europe sera pour l’Afrique. La France a des devoirs à l’égard de l’Afrique et pour nous, l’Afrique est une chance et certainement pas un fardeau. Je partage pleinement ton avis : l’avenir de l’Afrique, c’est aussi le nôtre. La santé, l’environnement, la sécurité de l’Afrique nous concernent directement. Je refuse « l’immigration choisie » du ministre de l’Intérieur qui constitue souvent une insulte pour les populations d’origine africaine.
J’ajouterai à ta liste la croissance. Face aux dégâts de la mondialisation financière, ce n’est qu’en stimulant la croissance en Afrique, au moyen d’une politique ambitieuse de co-développement, de construction d’infrastructures, de juste échange, de développement des entreprises locales, de maîtrise de la démographie qu’un avenir meilleur pourra être proposé aux populations d’Afrique. Loin des pratiques douteuses de la « Françafrique », c’est la voie pour parvenir à un rééquilibrage entre les deux rives de la Méditerranée.
S’agissant du montant de notre aide publique, notre projet fixe comme objectif 0,7 % du PIB, en privilégiant l’éducation, la santé et les infrastructures. Ce sera un effort considérable, dans un contexte budgétaire difficile. Il faudra que nous le tentions.

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